… est mon impression après l’interview de Nicolas Sarkozy ce soir (que je n’ai vu qu’à la télé). Car, même si Monsieur essaye de maintenir les apparences et affirme „ne pas changer de cap“, il a déjà commencé à altérer le sens de la marche de son bâteau.
« On entend parler de milliards [d’euros] tous les jours, on a simplement besoin de quelques dizaines de milliers d’euros et systématiquement […], lorsqu’on pose la question, le soutien n’est pas là », se plaint un Français qui résume ainsi la désolation d’entre 1 et 2,5 millions de gens qui sont descendus dans la rue jeudi dernier. Ce soir, pendant une interview au Palais de l’Elysée, Nicolas Sarkozy avait l’occasion de réagir à ces plaintes. Il avait l’occasion de convaincre les Français que le gouvernement est efficace contre la crise – et d’amadouer les 62% des Français, qui avaient maintenu le contraire encore au début de la semaine (dans un sondage CSA pour l’Humanité).
Sur le champ de bataille publique télévisé, le Président a montré sa détermination dans le combat contre cette crise « d’une brutalité totale ». Et il a montré que, même s’il existe toujours une ligne de démarcation entre les deux camps (l’UMP et les socialistes) dans leur politique anti-crise, leurs armes commencent à se ressembler de plus en plus.
Ces dernières se limitaient pour l’UMP jusqu’à maintenant à des mesures d’investissement – récemment présentées comme les mille projets contre la crise – et de soutien aux banques. Un soutien qui se traduit pas des prêts de 320 milliards d’euros, que Nicolas Sarkozy a défendu comme une mesure par laquelle le gouvernement avait « sauvé l’épargne des Français » et évité « la catastrophe ».
Les armes des socialistes entrent dans une logique de relance par la consommation – entre autres une augmentation des salaires, du SMIC, des allocations logement. En plus, une baisse d’un point de la TVA, une extension du chômage partiel, 100.000 emplois verts et contrats associatifs pris en charge à 75 % par l’Etat.
Les deux tactiques de guerre étaient jusqu’à maintenant donc clairement distinctes, il s’agissait d’une part d’une politique d’offre (UMP), d’autre part d’une politique de demande (PS). Ce soir, Nicolas Sarkozy s’est rapproché de la ligne de démarcation entre les deux.
Certes, il refuse toujours une augmentation du SMIC : selon lui, avec une hausse des salaires, la consommation ne repartirait pas. Car, vu que les gens sont en ce moment très inquiets, ils préféreraient épargner au lieu de dépenser de l’argent supplémentaire.
Pourtant, dans le catalogue de mesures annoncées par Nicolas Sarkozy (qui seront élaborées avec les partenaires sociaux le 18 février), on trouve entre autres une augmentation des allocations familiales. Une mesure par laquelle on verserait directement de l’argent aux Français.
En plus, le « Président du pouvoir d’achat » projette de supprimer la première tranche de l’impôt sur le revenu avec un taux d’imposition de 5 %. Une mesure pour aider « ceux qui sont le plus exposés » en leur redonnant du pouvoir d’achat, donc plus d’argent.
Un troisième changement prévu est une modification du partage du profit dans les entreprises. Le modèle favori de Nicolas Sarkozy : la règle des trois tiers, où les employés et les actionnaires reçoivent chacun un tiers des profits, le troisième tiers étant réinvesti dans l’entreprise. Dans l’idéal, les salariés verraient leur salaire augmenter, ils auraient donc plus d’argent à leur disposition.
Bref, même si Nicolas Sarkozy contourne systématiquement le terme « augmentation des salaires », les mesures qu’il a proposées aboutissent exactement à une telle hausse. Pour le moment, le Président n’a fait que se rapprocher de la ligne de démarcation. Mais il se peut que, dans un futur pas très lointain, le territoire hostile se mue en terrain favori.
L.