Cécile, jazzwoman : « Chanter, c’est mieux que le sexe »

Prof d’anglais le jour, chanteuse de jazz la nuit, Cécile Guillemain s’immerge dans le monde de la musique dès qu’elle le peut. En attendant le jour où un producteur célèbre frappera à sa porte …

« Alors, je vous explique ». La brune Cécile Guillemain, pose son regard marron-vert sur le public : une cinquantaine de personnes venues ce samedi soir au concert des « Démagos », un groupe de jazz manouche, dans une petite salle du 14e arrondissement à Paris. « A un concert de jazz, quand la chanteuse annonce la chanson, il faut dire : ‘aahhh, ouiiiii’ – comme si on connaissait la chanson. Puis, on regarde son voisin en hochant la tête. » Et alors que Cécile hoche la tête, le rire s’empare du public. Trois musiciens sur sept sont présents ce soir – « la scène est trop petite pour tous », expliquera Cécile plus tard.

« Donc, faisons un essai », poursuit-elle. « Maintenant, on va chanter une chanson de quelqu’un que vous connaissez certainement ». Cécile lance un regard pénétrant à la petite foule devant elle, « c’est ‘My heart belongs to daddy’». « Aahhh, ouiiiii », répondent les spectateurs. Ils hochent la tête et regardent leurs voisins. La chanteuse éclate de rire et jette la tête en arrière.

Puis, la musique commence. Luc, le guitariste, donne la « pompe », comme on dit dans le milieu du jazz manouche pour parler du tempo. Cécile marque le rythme en tapant du pied. Et d’une voix pleine et profonde, cette fille toute fine entonne la chanson de Marilyn Monroe, qui signifie que son cœur appartient à son papa.

Changement de décor. Mardi après-midi. Un café à Cergy Le Haut, au nord de Paris. « Ce que Marilyn chante, c’est vrai pour moi », dit Cécile en écarquillant les yeux, « mon cœur appartient à mon papa ». Chez ce dernier, Cécile a vécu à partir de l’âge de 12 ans, après le divorce de ses parents. Et c’est son papa et sa compagne, qui lui ont fait découvrir les Stones et Janis Joplin. « Ce sont des babas cools », sourit-elle.

Mais ce n’est pas qu’à son papa qu’appartient le cœur de la chanteuse à la voix de Norah Jones : « Je suis une passionnée », dit-elle d’elle-même, « soit je fais les choses à fond, soit je ne les fais pas ».

Et une des choses qu’elle fait c’est la musique : « Chanter, c’est mieux que le sexe », souffle-t-elle en se penchant en travers de la table. Cette passion quasiment innée se manifeste sur les premières photos de la petite Cécile, qui s’accroche à une boîte à musique. « Enfant, je ne rêvais pas du jour où le prince charmant arriverait, mais du jour où le producteur arriverait – avec la limousine et le cigare ». Et pour bien préparer ce jour J, Cécile commence à chanter dès son plus jeune âge. « Toute la journée, je hurlais à la maison. Mes parents en devenaient fous », s’amuse-t-elle.

A 14 ans, elle monte sur scène pour la première fois – à un mariage, avec une chaîne hifi, elle chante sur un CD. Elle rejoint ensuite des groupes de rock et de rythm’n blues et finalement « Les Démagos », ce groupe de jazz manouche – la musique qu’elle affectionne le plus.

A part la musique, Cécile a aussi beaucoup d’affection pour les musiciens : « Ils me font craquer », gémit-elle en s’effondrant sur la table. Puis, elle lève la tête et ajoute d’un regard languissant : « Le pire, c’est les pianistes ! » Pourtant, il n’y en a eu qu’un seul dans le parcours amoureux de Cécile : guitariste, batteur, pianiste, chanteur, re-guitariste, re-batteur. Ce qu’elle aime chez les musiciens ? « C’est que c’est tout le temps ! Mon copain Romain, qui est batteur, m’utilise comme instrument, toute la journée il bat le rythme sur moi », se réjouit-elle, « C’est très flatteur ! »

Mais cette passion pour les musiciens peut être dangereuse : « Avec mon ex-copain Pierre, en quatre ans et demi, on a été séparés quatre jours ». s’émeut-elle. « On s’est aimé comme des fous, comme dans les films ! » Cécile chantait dans le groupe de jazz de Pierre, ils étaient censés se marier cette année. Soudainement, le regard de Cécile perd de son éclat : « Un jour, le jour de mon anniversaire, il m’a jetée ». Pierre s’est trouvé une autre chanteuse – « une blonde, qui maintenant chante les chansons qu’on a écrit ensemble ! » s’indigne-t-elle. « Je lui en veux, à elle … », chuchote Cécile. Elle cache ses mains dans les manches de son pull noir et rentre sa tête dans ses épaules.

Ce n’est que maintenant, un an et demi plus tard, qu’elle « commence à arrêter de l’aimer ». Pierre l’a détruite, dit-elle. Par conséquent, dans sa relation actuelle avec Romain, elle se protège beaucoup. « Malheureusement, je suis amoureuse de lui », dit Cécile. Un petit clin d’œil et elle retrouve son énergie.

Passionnée par le monde de la musique, Cécile n’est quand même pas « une tête brûlée » : Pour gagner sa vie, elle est prof d’anglais dans deux collèges de l’Essonne. Cécile adore l’anglais – une langue qu’elle parle sans accent bien qu’elle ne soit jamais allée dans un pays anglophone. Elle l’a apprise avec les films et les anglophones qu’elle a rencontrés à Paris. Tout de même, c’est « une guerre entre le cœur et la raison » : le métier de chanteuse semble trop précaire à Cécile. Pour le moment, c’est donc la raison – l’anglais – qui gagne. Reste à voir ce qui se passera, quand un jour, le producteur arrivera, avec sa limousine et son cigare.

L.